“Barbie”, féministe?

En 2023, le blockbuster “Barbie” a eu un grand succès au cinéma. On y trouve une histoire sur la poupée commercialisée pour la première fois par l’entreprise Mattel en 1959, érigée au rang d’icône féministe. Critiquée pour son apparence -elle incarne tous les stéréotypes de la beauté dite « occidentale » (peau claire, cheveux blonds…)-, Barbie se distinguait au départ des autres poupées par ses mensurations hypertrophiées, notamment sa poitrine développée et sa taille trop fine. Néanmoins, elle fut aussi rapidement présentée comme une femme émancipée”, propriétaire de sa propre “maison de rêve” et d’une voiture de luxe assortie à ses tenues, exerçant aussi bien des métiers considérés comme “féminins” – top-modèle, hôtesse de l’air, baby-sitter… –, que d’autres dits “masculins” – chirurgienne, conductrice de train, astronaute…

L’argument “féministe” du film repose sur l’empouvoirement des Barbie, capables d’occuper n’importe quel poste sans renoncer à leur féminité, à la mode, au maquillage ou au rose, ce qui est déjà un argument pour promouvoir la poupée et contrer les critiques qui verraient en Barbie un modèle stéréotypé de féminité et un idéal corporel fantaisiste, source de complexe pour les filles. Dans le film, l’entreprise Mattel insiste sur son appartenance au groupe des “femmes”, distinct de et opposé à celui des “hommes” que représente Ken. Dans le monde réel, ces deux catégories sociales entretiennent des rapports de genre hiérarchisés (les hommes sont supérieurs aux femmes), qui reposeraient prétendument sur des différences “naturelles” liées au sexe. Une telle justification ne devrait pas exister dans le monde de Barbie : les poupées étant dépourvues d’appareils génitaux, il est impossible de faire reposer l’opposition entre femmes et hommes sur la différence des sexes.

Pour la sociologue anglaise, spécialiste des questions de genre Shelley Budgeon, considérer la féminité comme une source de pouvoir fait partie de la rhétorique post-féministe, sur laquelle s’appuie de toute évidence le film. le post-féminisme est incarné par la “troisième vague féministe” des années 1990, prônant l’autonomie individuelle des femmes et la conciliation entre féminité et pouvoir,   qui se caractérise dans la culture populaire par l’apparition de films et de séries télévisées mettant en scènes des femmes fortes et féminines. Barbie doit ainsi “faire avec” le patriarcat, condamnée à son destin de femme : lorsqu’elle décide de devenir humaine, le fantôme de sa créatrice Ruth Handler lui fait entrevoir une vie faite d’enfants, de mariages et de femmes enceintes. Si Barbie peut être qui elle veut, ce n’est donc qu’à condition de remplir ses rôles de femme: employée modèle, mais aussi épouse, mère et maîtresse de maison.

Quant au film, on peut critiquer son manque d’authenticité et la pub géante de Mattel au moment de redorer la marque. Même si on parle de quelques injustices sur l’égalité hommes/femmes, certains sujets sont “oubliés” (viol, violence domestique,…). Si Barbieland est au début un matriarcat et les hommes sont présentés comme des garçons ignorants, vraiment il y a plein de stéréotypes sur scène. Quel est le message à la fin, à qui s’adresse le film?

Source: The Conversation.

Blog en WordPress.com.

Subir ↑